De l'écoute des sons à la lecture, Thierry Venot
Livre du maître et fichier d'exercices sur CD.
Lecture en Grande Section, par Catherine Huby
(Bonnet d'âne, le 20 mars 2009)
Catherine Huby, institutrice à Saint-Pantaleon-les-Vignes (une école rurale, profondément rurale) a bien voulu faire une Note sur un livre signé de Thierry Venot, instituteur spécialisé (les fameux RASED) qui tourne du côté de Gien. Membre du GRIP, par ailleurs, dont nous avons souvent parlé sur ce blog.
Pourquoi cette Note ? Parce qu’il est temps de reprendre les choses à la base — dès l’école maternelle. Parce qu’il est temps aussi de donner aux « professeurs des écoles », qui protestent aujourd’hui contre des programmes qu’ils ne comprennent pas, après tant d’années de décervelage patient dans les IUFM et leurs dépendances, des outils qui leur permettent d’amener leurs élèves, tous leurs élèves, dès le départ, dans les starting blocks de la lecture et de l’écriture. Parce qu’il n’est jamais trop tôt pour bien faire — nous le savions confusément, après que des décennies de pédagogisme nous ont prouvé qu’il n’était jamais trop tôt pour mal faire.
Je n’aurais pas su apprécier à sa juste valeur le livre de Thierry Venot : je n’ai jamais prétendu avoir les compétences que je ne maîtrise pas — un comportement qui, là aussi, me distingue des spécialistes des sciences de l’éducation, qui parlent si bien de ce qu’ils ne connaissent pas — faire classe, par exemple. C’est pour cela que j’ai demandé à Catherine d’en faire la recension, — et d’en dire tout le bien qu’il mérite.
Les fidèles de Bonnetdane la connaissent sous le pseudonyme de Catmano, et apprécient, depuis des années, ses remarques ou conseils toujours drôles et pertinents — à vous donner envie de régresser jusqu’au pré-CP… Les autres, les passants du Net, les promeneurs mélancoliques de la Toile, se rendront compte, en lisant ce qui suit, qu’il existe un espoir pour leurs enfants ou leurs petits-enfants ; que peu à peu se tisse un réseau de praticiens qui ne renoncent pas, qui n’ont jamais renoncé, malgré les pressions de leur hiérarchie, et les sarcasmes, parfois, de leurs collègues. Oui, la Maternelle est autre chose qu’une garderie, comme je l’écrivais dans Fin de récré. Oui, on peut apprendre à lire et à écrire à un enfant, à tout enfant, de façon très précoce, sans lui taper forcément ni sur les doigts, et sans qu’il nous tape sur les nerfs. Oui, il y a un espoir qui vient d’en bas, puisque de toute évidence, il ne viendra pas d’en haut.
Jean-Paul Brighelli
"Il y a maintenant deux ans, j’ai découvert un « outil » nouveau pour mes élèves de Grande Section de Maternelle. Un « outil » utile, facile d’emploi et complémentaire de ceux que j’utilisais déjà.
Jusque-là, j’apprenais à mes « Grands » à écrire, en belles (enfin, presque) lettres cursives. Nous commencions l’année par des révisions du programme de graphisme de Moyenne Section, revoyant patiemment les tracés de lignes verticales, horizontales, obliques et les vagues.
La révision du tracé du « pont à l’endroit » nous amenait aux premiers exercices d’écriture, et mes élèves se rendaient compte qu’ils savaient déjà écrire un m et un n, comme leurs aînés de CP et de CE1.
Nous faisions quelques exercices d’écoute, cherchant à bien prononcer et bien discriminer le son « MMMM » et le son « NNNNN » dans des mots.
L’année continuait et peu à peu, partant du geste, passant par le tracé, renforçant par l’écoute, mes élèves de GS faisaient leurs premiers pas en lecture.
Tant il est vrai que la lecture et l’écriture procèdent l’un de l’autre — et vice versa.
Certains se passionnaient pour cette activité, les autres s’y appliquaient consciencieusement, jour après jour, avec plaisir.
En fin d’année, les premiers savaient lire. Le simple fait d’apprendre à écrire chaque lettre, de copier des modèles de mots, puis de phrases que nous avions décortiqués et déchiffrés ensemble avait suffi à ce qu’ils « effectuent le transfert », comme on dit, et appliquent à leur vie de tous les jours cette connaissance. Leurs parents me disaient leur acharnement quotidien à déchiffrer tout écrit passant devant leurs yeux, du paquet de céréales du petit déjeuner au livre que leur offrait la tata Janine.
Les autres savaient écrire, mais ne cherchaient pas à lire. A la maison, ils demandaient souvent à leurs parents de leur écrire un modèle qu’ils s’appliquaient à recopier, en tirant la langue. Leur curiosité s’arrêtait là où la maîtresse les avait amenés.
Et puis, il y a donc deux ans, Thierry Venot, un instituteur spécialisé (ces fameux RASED), membre du GRIP, me demanda mon adresse car il voulait m’envoyer une « méthode » qu’il avait créée et expérimentée dans le cadre d’interventions de « prévention » qu’il effectuait avec les GS de son secteur.
Je la lus, je la lui commentai et je pris la décision de la tester sur mes bambins.
Par ailleurs, si je n’avais pas choisi de me rendre à Roncq, en août 2007, aux journées du SLECC, j’avais eu l’occasion d’en voir les vidéos, et l’introduction qu’avait faite Thierry avant de présenter sa méthode m’avait bien plu.
Cela changeait agréablement de l’interprétation toujours psychologisante des difficultés qu’auraient nos petits enfants du siècle à « entrer dans le monde de l’écrit ».
Enfin une méthode qui ne laissait pas sur la touche parfois plus de la moitié des effectifs d’une classe, au prétexte que celle-ci avait le malheur de se trouver dans une zone géographiquement défavorisée.
Enfin quelqu’un qui osait dire : « Les difficultés sont interprétées comme des problèmes psychologiques alors qu’il s’agit de problèmes de technique d’apprentissage. Le système a tendance à trouver toujours des alibis pour se dédouaner. »
J’adhérais parfaitement à son discours sur les enfants perturbés pour des raisons « sociétales » et croyais comme lui que l’école pouvait apporter des réponses en leur fournissant la structure qui leur manquait grâce à des apprentissages qui constituaient pour eux « une branche à laquelle ils pouvaient s’accrocher ». J’avais déjà pu le vérifier à de nombreuses reprises dans ma classe pour des enfants dont le moins que l’on puisse dire était que, s’ils étaient nés égaux aux autres, pour eux, c’était quand même nettement moins facile de le rester.
À la rentrée 2007, mes six « zozos » de GS arrivaient dans ma classe, au même niveau que leurs petits camarades des années précédentes. Ils avaient eu les mêmes maîtresses en maternelle : l’une très peu demandeuse en préparation à la lecture (ce pour quoi je la remercie : à 4 ans, ils sont petits, ils n’ont pas forcément les capacités motrices pour apprendre à lire et à écrire et ont tant d’autres choses à apprendre qu’il est dommage de « perdre leur temps » à essayer de mener des apprentissages qui les dépassent), préférant de loin les Arts Visuels à la sauce Art Contemporain ; l’autre toujours prête à se lancer dans le dernier gadget à la mode, adapté à sa manière, qu’elle menait avec constance pendant quelques semaines, puis abandonnait lorsqu’elle se rendait compte que « ça marchait bien avec Pierre, Arthur et Marguerite mais que Djeïzonne, Kimberley et Tijona avaient décidément besoin d’un suivi spécialisé et que l’école ne pouvait rien pour eux ».
Cette année-là, son dada du troisième trimestre avait été le fameux « Phono » de Goigoux et Cèbe. Elle avait abandonné au moment où malgré des séances et des séances de répétition, elle s’était rendu compte que Kéké n’arrivait toujours pas à faire l’exercice de conscience phonémique indispensable à une future approche de l’approche de l’approche du code alphabétique. Un truc tout bête pourtant ! Vous pouvez vous entraîner chez vous, c’est ludique, facile et certainement très utile !
Choisissez un prénom de 3 syllabes : Gré – go –ry par exemple. Amusez-vous à émettre ces 3 syllabes en frappant successivement dans vos mains, sur votre tête, sur vos cuisses. Gré (mains) – go (tête) – ry (cuisses) ! Oui, bravo ! On recommence ! Gré (mains) – go (tête) – ry (cuisses) ! C’est bien ! Un peu plus vite ! Ouiii, parfait ! Maintenant, on complique : nous allons taper successivement la tête, les mains, les cuisses, que faudra-t-il dire ???? Hein ???? Go – gré – ry ! Yeeees ! Allons-y ! Naaaaan ! On a dit « tête –mains – cuisses » ! Go – gré – ry ! Bon sang, Kéké, tête –mains –cuisses, gré, heu non, go, gré – oh zut, je sais plus !
Donc, des élèves normaux, les mêmes que l’année dernière… Et la méthode de Thierry Venot.
Une première partie consacrée aux préalables spatio-temporels (avant, après, juste avant, juste après, en premier, en dernier), puis à la conscience syntaxique (notion de phrase et de mot) et enfin aux syllabes (compter, rythmer, classer, repérer) qui ne m’apporteront que la confirmation du bien-fondé de ce que je faisais déjà avec mes GS intégrés dans une classe contenant aussi des CP et des CE1 et de l’horreur que constituait l’exercice de torture mentale et physique qu’imposait ma chère collègue à ses petites têtes blondes et brunes ! Il me semblait aussi que l’on pouvait arriver à un bien meilleur résultat sans em… quiquiner des gosses avec un truc que même les adultes ont de la peine à faire !
Je continue donc mes jeux d’écoute avec les instruments de musique, mes rangements de gauche à droite, mes exercices de repérage. Mes petites GS participent chaque jour à la partie commune de la leçon de grammaire, apprennent à trouver des noms, des verbes, des articles, ils frappent les syllabes et les comptent, entendent parler des lettres, des voyelles, des consonnes, conjuguent à l’oral un verbe au présent, « jouent » à l’occasion des leçons d’orthographe avec les sons des mots.
À la rentrée de Toussaint, je présente à mes six petits élèves les premières fiches consacrées aux voyelles. Ils sont déjà en terrain connu et apprécient beaucoup ces petits exercices clairs, simples, à la fois progressifs et répétitifs. Thierry ne leur demande jamais d’inventer l’eau chaude tout seuls, ni de passer de longs moments à « réfléchir ensemble pour faire émerger une compétence », comme disent les spécialistes des conflits socio-cognitifs et autres carabistouilles. C’est au pied du mur qu’on voit le maçon, alors, au boulot, crayon à la main, on apprend et on s’entraîne !
Sur une première fiche, on entoure les lettres « vedettes » en couleur, sur une seconde, on s’entraîne à les écrire en « lettres attachées », comme les grands, sur les trois ou quatre suivantes, on ouvre grand ses oreilles, on apprend à articuler lentement pour repérer, parmi les mots représentés par des dessins, ceux dans lesquels on entend le son [a], [i], etc.
Les trois sens utiles à l’apprentissage de la lecture (la vue, le toucher, l’ouïe) sont toujours associés : on « dit » ce que l’on « écrit », on « écoute » ce que l’on « dit ».
Vers la fin du premier trimestre, toutes les voyelles sont connues et réellement connues, aussi bien par Pierre que par Kimberley. Et tous ceux qui connaissent mon école peuvent témoigner du fait que mes classes contiennent beaucoup plus de Kimberley et de Djeïzonne que de Pierre et de Marguerite !
Nous avançons tranquillement dans la méthode, après les voyelles, nous passons aux consonnes, en commençant par celles que l’on peut « faire chanter » longtemps. Puis, vers la fin du deuxième trimestre, je présente les premières fiches de lecture-écriture de syllabes. Les enfants continuent à apprécier ces petits exercices très courts auxquels ils ne consacrent jamais plus de dix à quinze minutes dans leur journée de classe. Ils les aiment tellement qu’ils demandent l’autorisation de colorier les dessins pour rester un peu plus longtemps sur leur travail.
Et tout le monde continue à suivre. Et tout le monde casse les pieds et les oreilles des parents avec ses « Ffffff aaaaaa rrrrrr iiiiii nnnnnnn eeeeee ! T’as vu, maman, y’a écrit « farine » ! Je sais lire ! »
Je commence à parler de cette méthode autour de moi. Je propose l’adresse du site où l’on peut en trouver des extraits ( http://www.slecc.fr/sources-slecc/documents-peda/GS/metho... ), des collègues me contactent. Je demande à Thierry l’autorisation de communiquer quelques-unes de ses fiches en attendant que sa méthode soit éditée. Les collègues réclament, il faut bien faire quelque chose, non ?
Et puis, cela se précise, le GRIP va éditer la méthode. Thierry retourne à ses fiches, les perfectionne, change deux ou trois petites broutilles — les exercices d’écriture, par exemple, sont plus explicites, le sens du tracé est clairement indiqué afin d’aider les moins à l’aise de nos collègues, ceux à qui la formation n’a pas jugé bon d’expliquer qu’une lettre se traçait d’une façon et d’une seule si l’on voulait que les élèves gardent une écriture lisible et n’éprouvent pas de fatigue musculaire lorsqu’ils ont à écrire longtemps.
Encore quelques mois de patience, pendant lesquels ma première « fournée » de « méthode Venot » finissait d’apprendre à lire et ça y est ! La méthode va être éditée sous peu. La preuve, c’est que vous pouvez déjà aller admirer la maquette de la couverture sur le site du SLECC (http://www.slecc.fr/ en bas de page) !
Et ça, ça me fait bien plaisir.
Bien sûr, ce n’est pas un grand bouquin qui trônera en tête de gondole dans les librairies et les supermarchés. Thierry n’est pas connu du grand public et personne ne l’invitera sur les plateaux télé pour faire la promo d’un livre qui n’est pas vendeur, sauf dans les écoles maternelles (je conseille néanmoins aux instits de CP ou même à ceux de CE1 qui ont la joie, l’honneur et l’avantage de récupérer des GS/CP Goigoux et Cèbe qui se tapent la tête, les mains et les cuisses mais ne savent toujours pas lire de le commander) ou chez les parents d’enfants de 4 à 6 ans, mais ça, ce n’est pas grave.
Ce qui est plus ennuyeux, c’est qu’il n’est pas assez connu dans les écoles maternelles et que seul le « bouche à oreilles » et le « clavier à site internet » pourront le faire connaître. Alors, j’ajoute ma petite pierre à l’édifice en faisant moi aussi la « promo » du bouquin de Thierry que je remercie au nom de tous les Djeïzonne, Kimberley et Tijona qui, grâce à lui, quitteront la Grande Section à égalité avec Pierre, Marguerite et Arthur.
Mais si nous disposons déjà d’un outil efficace pour démarrer l’apprentissage de la lecture-écriture en GS et d’un autre, efficace lui aussi, pour obtenir des élèves qui quittent le CP en sachant compter et calculer, si nous en avons un troisième dans les tuyaux pour continuer dans cette voie en calcul au CE1, si d’autres sont en cours de gestation, en français et en mathématiques, il nous reste néanmoins une quantité énorme de pain sur la planche.
Alors, je ne saurais trop suggérer à tous ceux qui ont envie de tâter des joies de l’édition de s’atteler à la tâche énorme qu’il nous reste à effectuer. L’école primaire (et sans doute le collège et le lycée, mais je connais moins) a besoin d’outils nouveaux, dans toutes les disciplines, alors lancez-vous ! Merci Thierry et bonne chance à ton bouquin."
Catherine Huby
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